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Histoires d’une image

Nicolas Bouvier

Ed. Zoe, 2015

nicolas bouvierL’auteur Nicolas Bouvier fascine ceux qui ont fait la route, découvrant ainsi l’usage kantien « du monde ». Les « images » regroupées ici renvoient à son ami peintre, Thierry Vernet, qui l’a initié à leur observation. Muées en mini-nouvelles, elles ont été publiées dans la revue genevoise Le temps stratégique de 1992 à 1997. De leurs instants, révélés au hasard, émergent des éléments de la nature que nous privilégierons arbitrairement. Tous sont perçus avec un égal humour, aussi froid que clinique, qui mue l’auteur en Buster Keaton du langage. Ils reconstituent subrepticement un Bouvier aussi imprévu qu’attachant.

Ici, l’image de la lune, celle de l’expression bien ancrée « vouloir la lune », autrement dit exiger avec excès tout et n’importe quoi. Elle va de la « citrouille rousse » à la « carte de tarot » en passant par « la rognure d’ongle ». Lune qu’on trouve néanmoins sur tant de drapeaux de nations souvent musulmanes… Sans elle, l’islam serait réduit à « changer de bannière » ! Là, celle d’un âne qu’un tambourinaire chinois fait danser. Ane qu’on tourne trop aisément « en bourrique ». En son temps, Françis Jammes a lancé une prière pour aller au ciel avec les ânes. « Sabots dévotement joints », Bouvier sera volontiers de ce voyage céleste ! Ailleurs, l’image d’un crocodile mais pas n’importe lequel puisqu’il a « le blues ». Il est vrai qu’il est dessiné par un Chevalier dont Bouvier imagine le périple lors de la campagne égyptienne de Bonaparte aussi ratée que sa propre vie amoureuse ! Parmi les bestioles, seule la corneille n’est guère appréciée. Sans doute car le « corbac » renvoie au curé en soutane. De surcroît, la corneille n’a aucun comportement conjugal mais destructeur et charognard. Pouah ! Image enfin d’une insolite Arche de Noé dessinée par le jésuite Kircher (1675) qui ressemble à un « grand cercueil ». Quitte aussi à arrêter l’imagination sur la gravure d’un « chevaucheur de Pégase » galopant « à balais rompus » sur… un pitoyable balai. L’image de fleurs renvoie aux « marottes suisses » de botaniser. Le lys martagon illustrant un ouvrage londonien rappelle qu’il était plus facile pour les Anglais « d’aimer les plantes que les hommes ». Enfin une surprise, la description du pôle nord en version …black and white*. Bouvier s’attarde sur la troublante photo du tutélaire Peary (un blanc) : celui-ci atteignit le pôle magnétique où il fut photographié en noir et blanc) par Matt (un ancien esclave noir). Voici qui entraîne l’auteur dans une vision bicolore : l’ours polaire blanc possède une truffe noire détectée par les phoques lorsqu’ils émergent dans leur « trou de respiration ».

Jane Hervé

*Du Michel Pastoureau ou du Chantal Armagnac avant l’heure

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