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La Trêve, chérie

Thomas Gosselin, Isao Moutte

L’employé du moi, 2019

La planche qui ouvre La Trêve, chérie, donne le ton : une vaste case, une forêt de traits fins pour la moitié inférieure, un ciel fait d’un vide inquiétant pour la moitié supérieure. L’axe d’une grue tranche ou relie le tout, et une bulle, isolée et en plein dans le mile : « C’est ici qu’on a retrouvé le cadavre de l’ingénieur ». Qu’on se le tienne pour dit, pas de tranquillité pour les lecteurs.

Des morts brutales et énigmatiques secouent un bled où se déploie un projet d’implantation d’antenne relai, et échauffent les méninges des flics – non pardon, gendarmes, enfin « si on n’aime pas les flics, on ne fait pas la différence ». Mais cet ouvrage n’a rien du polar classique : l’enquête ne cherche pas vraiment de coupable, le récit se laisse envahir par ceux que l’on soupçonne le moins. On est chahuté par un rythme et une narration particulièrement bien maîtrisés : les courses-poursuites en forêts succèdent aux questionnements métaphysiques face à un champ de cailloux et les personnages sont tous traités de la même manière : changeants, équivoques, pointus. Un pelage peut-être aussi doux que menaçant, un vêtement est « une cuirasse pour la beauté d’un corps contre la planète ». Thomas Gosselin et Isao Moutte sont audacieux, ils vont creuser là où les questions n’ont pas de réponse ; grâce à un humour cinglant et un dessin animé, ils nous mettent face à une problématique majeure de l’époque : comment penser, dire et établir nos relations avec les animaux, les plantes, le monde vivant ? Y a-t-il une autre forme possible que la concurrence et la lutte ? Pas de répit, la question est complexe. Heureusement, cette lecture, elle, ne l’est pas.

La Trêve, chérie, Thomas Gosselin et Isao Moutte, L’Employé du moi, 2019.

C.T.

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