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Black Museum

Alexandre Kauffmann

Flammarion, 2015

9782081353671Qui sont les Hadzas de Tanzanie ? Un groupe de chasseurs nomades sans propriété où « tout est à tout le monde », des archers sans chef, sans religion, bref « une société fossile » errant quelque part en Tanzanie.

On croit rêver au point de se demander : ces 1 000 Hadzas insaisissables qui parlent « une langue à clics » et ne comptent pas au-delà de trois existent-ils vraiment ? Il semblerait que « oui », selon le journaliste Alexandre Kauffmann qui les a cherchés et même retrouvés. Une sacrée entreprise !

Ce livre insolite dénonce la « comédie de la brousse », un vrai cirque concentrant de nombreux méfaits qui pourrissent toute culture originelle. Les guides de touristes, les curés, les anthropologues ou…. les journalistes en prennent successivement pour leur grade.

Des scènes croquignolesques, prises sur le vif, décrivent cette horde de prédateurs qui font du tapage et du fric autour de ces représentants de la plus ancienne des cultures de chasseurs-cueilleurs.

Voici le guide à touristes qui, pour montrer un jeune Hadza, l’invite à ôter sa casquette de base-ball et à la remplacer par une peau de koudou. Mieux vaut faire « local » afin de combler les phantasmes des Occidentaux en goguette en Tanzanie ! Le même guide n’hésite pas à montrer sur son portable une vidéo porno black-and-white à des adolescents hadza tout étonnés.

Voici le prêtre spiritain, ancien danseur de flamenco, qui offre de la bouffe aux Hadza, lesquels dévorent tout avant de s’esquiver. Nul doute : le curé ne parviendra pas à tisser son réseau d’influence au nom du Saint-Esprit.

Voici enfin l’anthropologue à l’éthique rétrécie qui se propose de construire éventuellement un établissement touristique, puis cherche à caser ses recherches dans le courant « sociobiologie » réduisant la conscience à un produit de gênes désireux de se reproduire. Son but secret : vérifier cette foutue hypothèse en pleine brousse !

En plus dans ce vrac, voici des gardes-barrière protégeant la faune avec des barrières qui empêchent le nomadisme hadza, car… ces brillants archers envoient leur flèches empoisonnées sur les animaux protégés !

Que dire, si ce n’est que le discrédit pourrait s’appliquer à l’auteur – journaliste gonzo* – de ce « récit de voyage », s’il ne l’anticipait en décrivant les mœurs douteuses de certains reporters ayant le vent en poupe…

Bref, Kauffmann, Aleksi pour les intimes, reviendra vivre – pour cause d’amourette – parmi ces êtres qui « disent une chose et son contraire » et où chacun « vit pour soi et chaque bien est pour tous ». Des écolos avant la lettre, avant même l’apparition de l’agriculture !

Aujourd’hui ils ne sont plus que les rescapés d’une histoire rongeant leur territoire d’Afrique de l’Est (savane tanzanienne, lac Eyasi). Ils vivent pourtant dans cette région-clé pour comprendre l’origine de l’humanité. Désormais ces autochtones, même pintés, s’avèrent finalement plus malins que ceux qui se délectent de leur observation. Se méfiant « des entourloupes », les Hadza savent où est l’intérêt de leur estomac. Ils exigent ni plus ni moins qu’on leur remette sur-le-champ les sacs de riz et d’oignons avant tout échange d’informations et votent carrément pour le parti qui leur donne à bouffer. Ils commandent à l’auteur des recharges pour portables ! Aucun doute, l’auteur va rejoindre le clan des… dépités de l’exotisme. Voila qui lui facilitera la description de ce « Black Museum » où vécurent nos plus lointains ancêtres. Et où transitent encore pas mal de Blancs !!! Lesquels mériteraient aussi d’avoir leur White Museum !

 

*Le journalisme gonzo consiste à aller sur le terrain y faire une anthropologie visuelle à la première personne.

 

Jane Hervé

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