Fabrice Nicolino
Les échappés, 2015
C’est vrai qu’il n’hésite pas à vitupérer dans ses écrits. Mais là, c’est du Nicolino pur jus, pure colère contre le monde agricole qu’on nous prépare. Après avoir dénoncé l’envahissement de la planète par les produits chimiques, Fabrice Nicolino mène un réquisitoire en bonne et due forme (c’est-à-dire rageur) contre la transformation de l’agriculture. Envahie par les produits chimiques et écrasée par la course au rendement, elle est devenue un « merdier » (définition : état dans lequel on mène une vie très éprouvante ; synonyme : bordel, désordre, pétrin). Ses attaques progressent en zigzag d’individu en individu – que des mecs (1) –, dénonçant un par un ceux qui ont placé sur notre route alimentaire l’un de ces foutues pierres d’achoppement (2) qui nous feront donc tous tomber.
Coté blanc, ils sont peu nombreux : il y a Raymond l’agriculteur des temps anciens, né en 1924 et aimant sa terre. Il existe encore, malgré la razzia de paysans embrigadés pendant la guerre de 14-18. Il y a Dédé Pochon, jadis heureux sur sa ferme de 8 ha, au milieu de ses prairies salvatrices de trèfles blancs.
Côté pourri, on a le choix. Il y a William Klann, découvreur des abattoirs de cochons de Chicago qui suscitera l’application de leur modèle tayloriste à l’automobile de Detroit. Michel Debatisse, président de la FNSEA en 1971, qui « tente d’écraser la lutte des paysans du Larzac ». Fernand Willaume qui veut combattre les ennemis des végétaux (alias les insectes), instaurer dès 1923 la « fourmiculture » pour l’alimentation des oiseaux de chasse et de la faisanderie. Il se pose en « lobbyiste des pesticides » dès 1943. Jean Bustarret qui prépare la patate BR15, « très résistante aux virus ». Raymond Février qui songe à « irradier les aliments des porcs (encore eux !), pour accroître leur valeur industrielle. Etc., etc. Ne pas oublier le chapitre de la « vache au hublot» (pas de bateau), et le constat de l’univers concentrationnaire animal. Et puis, tiens, il ne manque plus que les technocrates pour lancer des politiques adéquates… On vous laisse le soin de les découvrir à partir de la page 57 ! Et ne pas oublier de lire la dernière phrase optimiste ( ?) : « Un autre monde reste à construire ». Quand ?
Jane Hervé
- Seule Rachel Carlson est là, initiatrice de la lutte contre les pesticides, tire son épingle du jeu.
- Étymologie du mot « scandale », pierre qui nous fait trébucher.