Maxime De Lisle, Renan Coquin
Delcourt, 2024
Pillages, est un véritable docu‑fiction qui nous plonge dans la réalité alarmante de la surpêche en Afrique de l’Ouest. À travers le récit saisissant de 17 000 chalutiers chinois et européens épuisant les ressources halieutiques. L’album de Maxime De Lisle, ancien commandant de Sea Shepherd, et les traits évocateurs de Renan Coquin restituent avec force l’impact écologique et humain de ce pillage. Entre scènes documentées, témoignages et infographies percutantes, l’œuvre mêle émotion, information et engagement.
Pillages dépasse le simple récit en bd. On est d’emblée pris dans une fresque puissante qui entremêle fiction et réalité. L’album s’ouvre avec une séquence choc où un haut fonctionnaire béninois conclut un accord avec un armateur chinois, moment illustrant la faille entre réglementation et pratiques réelles Puis, deux arcs narratifs se déploient simultanément. D’un côté, Marius, jeune pêcheur traditionnel dont la famille survit grâce à la mer, est contraint de vendre sa pirogue et à travailler sur un chalutier industriel. Sur place, il découvre l’ampleur des dégâts : poissons juvéniles, espèces protégées capturés, non‑respect des quotas, tri effectué seulement sur le pont, et rejets massifs en pleine mer. Et surtout la maltraitance et la souffrance de ceux qui travaillent sur ces bateaux usines. Pour vivre et faire vivre sa famille, on est prêt à accepter même la maltraitance. De l’autre, on suit l’engagement de l’ONG Ocean Defender (alliée de Sea Shepherd) à travers la capitaine Daria, soutenue par les récits de Maxime De Lisle, ancien officier de Sea Shepherd, qui partage ses expériences en mer face à la pêche illégale. Pouvoir agir est très difficile car la corruption et la collusion nuisent gravement à toutes actions. Le récit est entrecoupé de double-pages documentaires : cartes, infographies et chiffres décrivent la présence d’environ 17 000 chalutiers chinois et européens au large du golfe de Guinée, les zones interdites, les flux migratoires dus à la crise halieutique ou encore le lien entre pêche intensive et précarité des populations locales. Sans omettre non plus l’influence du changement climatique sur des pêches qui se réduisent de plus en plus. Le dessin de Renan Coquin, à l’aquarelle, impose une ambiance visuelle à la fois réaliste et immersive avec des paysages marins, des visages burinés, des vagues menaçantes… Tout contribue à donner vie à cette tragédie dont nous sommes tous responsables, à différents niveaux. Le scénario évite les simplifications manichéennes. Les postface et préface signées Camille Étienne et Baptiste Morizot apporte un rappel de l’interdépendance des enjeux qu’il soit écologique, social ou géo-économique et esquisse des pistes d’engagement pour le lecteur.
Pillages est une bd essentielle, qui allie engagement, pédagogie et qualité artistique. Elle interpelle, émeut et incite à l’action, faisant de cette bande dessinée un outil puissant pour sensibiliser aux ravages de la surpêche et à l’urgence de préserver nos écosystèmes marins.
Prisca