Laëtitia Rouxel
Locus Solus, 2024
L’autonomie alimentaire paraît un défi insurmontable face aux politiques de l’État. Pourtant, une ville de Bretagne a choisi de relever ce pari. En mobilisant toutes les énergies, elle lance un projet ambitieux pour assurer l’approvisionnement alimentaire de ses habitants.
Présentation
En 2020, la commune bretonne de Lanvallay, située dans les Côtes-d’Armor, prend un tournant décisif en décidant d’assurer son autonomie alimentaire pour la restauration collective, notamment dans ses Ehpad et cantines scolaires. Les élus optent pour la réaffectation de terres communales, abandonnant l’idée de les transformer en zones commerciales au profit de la location à une maraîchère bio. Ce projet, porteur de sens, engendre rapidement de nouvelles initiatives : floriculture, jardins solidaires, et pépinières citoyennes. Ce modèle devient source d’inspiration pour d’autres territoires. À travers un récit graphique, l’autrice nous plonge dans les coulisses de ce projet global, qui va du champ à l’assiette. Son objectif : partager l’histoire de cette parcelle de quelques hectares, où l’on cultive bien plus que des légumes : l’autonomie alimentaire, les liens sociaux, l’entraide, et la convivialité. Comme le souligne un bénévole encadrant du jardin solidaire : « C’est une histoire où la nature et les hommes sont respectés, une histoire qui a du sens. » Laëtitia Rouxel, dans ce reportage finement illustré, nous aide à comprendre les enjeux et les solutions qu’offre ce modèle, lorsque la volonté collective est présente. Un exemple qui devrait en inspirer plus d’un.
Mon avis
Lancer une expérimentation alimentaire nécessite une véritable volonté politique. Plutôt que de se reposer sur les politiques d’expansion et d’intensification de l’État, parfois perçues comme éloignées des préoccupations locales, des élus locaux ont choisi de consacrer des terres et des ressources à tester des pratiques agricoles raisonnées et adaptées. En renonçant à un projet bétonné potentiellement lucratif, leur objectif n’est pas de nourrir l’ensemble de la ville, mais de poser les bases d’une agriculture durable et réfléchie. Ils commencent par identifier l’espace disponible et les parties prenantes, et découvrent alors un réseau impressionnant de structures accompagnantes, ainsi que des projets nationaux et européens comme Terre de Liens, la FADEAR, ou le Plan alimentaire territorial, qui viennent soutenir l’initiative.
Les premiers fruits de ce projet apparaissent rapidement, avec la production des Jardins solidaires dès le printemps 2021, suivie de l’installation d’une floricultrice et du démarrage d’une pépinière citoyenne. En cumulant des surfaces cultivées variées, comme des jardins, une pépinière associative ou des champs dédiés à l’agriculture biologique, le projet se développe progressivement. Les premiers résultats sont là : en moins d’un an, des pommiers sont plantés, du blé noir est récolté et 20 tonnes de légumes sont produites pour la collectivité.
Cependant, au-delà des succès visibles, la véritable richesse du projet réside dans le lien social créé entre les différents acteurs – bénévoles, entrepreneurs, citoyens, et élus. Ce collectif, unissant des profils variés, est un pilier essentiel du succès. Mais bien que tout semble positif, des questions sous-jacentes demeurent. En effet, les obstacles rencontrés par ce collectif, aux objectifs parfois divergents et aux modes de communication différents, sont évités dans le récit. De plus, bien que le projet paraisse parfait, des éléments manquent, comme le cadre social de gestion des conflits. L’impact du changement climatique, avec ses effets sur les récoltes, reste également une problématique sans solution immédiate. Néanmoins, ce projet prouve qu’il est possible de fédérer des énergies autour d’un objectif commun et de réfléchir ensemble pour agir collectivement. Un bel exemple de ce qui peut être réalisé quand l’humain et l’environnement sont mis au cœur du projet.
Une bande dessinée qui nous permet de découvrir un projet audacieux et réaliste. Pourquoi pas demain notre ville ?
Prisca