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L’empreinte à Crusoé

Patrick Chamoiseau

Editions Gallimard, 2013

Le roman de Chamoiseau, Texaco, croisait diverses voix d’un peuple qui construit l’histoire en sa créolité (Marie-Sophie, le Marqueur de paroles, etc…), dans un quartier insalubre autour des réservoirs pétroliers.

Dans L’empreinte à Crusoé, la démarche opposée renvoie aux origines mythique d’un homme. Le narrateur naufragé – Robinson – naît en pleine solitude à « l’heure d’équinoxe » en une « île oubliée », entre ces lumières que sont « le brasillement de l’océan » et la « phosphorescence implacable de la plage ». Là, l’océan « se fracasse » comme pour « avaler » cette île dont il fait le tour avant de découvrir une empreinte énigmatique. Il part à sa recherche de cet « intrus », l’Autre et l’Ailleurs absolus, allant et revenant plusieurs fois près de cette trace d’un « pied droit ». « Le tout possible ».

Il s’adresse même à un vieux bouc « bien plus humain » que lui. Il arpente les grottes, croyant trouver partout celui qu’il cherche, jusqu’à la découverte d’une seconde empreinte. Il comprend que c’est la sienne, comme l’était probablement la première. « J’étais seul, mille fois seul ». Il touche son corps, veut un miroir pour le mettre en face de sa « mémoire perdue », teste même une casserole en fer-blanc peu efficace. Il donne finalement un nom à ce visage imaginé dans l’illusion : Dimanche, jour probable de la semaine réelle. L’île devint alors une « infinie mosaïque de présences » et se met à se mouvoir.

Au terme de ce périple intérieur, il devint l’artiste (après l’idiot et la petite personne). Son lien au monde a changé : « J’étais devenu de même nature que les grands arbres, de même feu que les fleurs, de même frisson que les herbes coupantes ». Il voit désormais l’ile avec la « trame de son esprit ». En ce lieu « de trouble et de souffrance », il se remet en mouvement. Il rejoint un promontoire pour attente des chaloupes salvatrices. Le capitaine – dont nous consultons le carnet de bord – du bateau qui le retrouve ne peut accoster.

« L’écriture explore » dira Chamoiseau qui a créé ce Robinson éblouissant qui n’est « ni celui de Defoe, ni celui de Tournier». « Chaque pas est une occasion de connaissance », précisera-t-il ensuite. Ainsi le romancier a « semé des possibles », empreints de luxuriance poétique en une nature envoutante, qui sont un éblouissement pour l’esprit.

Jane Hervé

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