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La 6e extinction, comment l’homme détruit la vie

Elisabeth Kolbert

Librairie Vuibert, 2015

arton1116Semblable ouvrage sur la terre humaine devrait dissiper un mélange d’effroi (l’extinction des vivants dont les humains) et de fatalisme (six milliards d’individus sans gouvernance commune en sont plus ou moins coresponsables). Il est ni plus ni moins question d’une terre qui s’autodétruit lentement au risque de rendre toute vie impossible. Néanmoins les pages se tournent comme un roman feuilleton à épisodes, dont chaque chapitre est offert à une espèce disparue (de la grenouille au rhinocéros de Sumatra en passant par l’ammonite et la chauve-souris). Portées par l’écriture vivante la journaliste Elisabeth Kolbert nous entraîne dans l’aventure de sa quête soutenue par une traduction exigeante (Marcel Blanc). De quoi justifier le prix Pulitzer « non fiction » version 2015. « Sixième extinction » – titre d’une publication de Leakey et Lewin (évolution et catastrophe) – esquisse l’historique des ces destructions. Pour les appréhender, l’auteur remonte aux premiers constats en confrontant les connaissances scientifiques à la désolation « apocalyptique » annoncée.

Certains avaient ainsi pressenti cette grande disparition : le naturaliste Buffon, puis le fixiste Cuvier qui répertorie les fossiles des animaux disparus (énigmatique dent géante de 20 cm trouvée en Ohio). A l’inverse, l’évolutionniste Lamarck la remarque sans s’y attarder (tortue des Galapagos), dédaignant les « catastrophistes », etc. Le hasard interprétatif déjà ! Des extinctions émergent pourtant comme celle des grapholites d’Ecosse qui a eu lieu il y a 444 millions d’années (difficile à concevoir) suite à une probable glaciation. Celle d’il y a 66 millions d’années, résultant d’un bolide astéroïde qui percuta le Yucatan et engendra la disparition des dinosaures et des ammonites, est plus connue, etc.

Aujourd’hui la situation de la planète est radicalement différente. L’extinction « anthropocène » résulte de notre responsabilité d’humain(e)s. Ce nom donné par Paul Crutzen dans sa Géologie de l’humanité qualifie les effets des activités humaines, des détournements de fleuves, des surpêches, de l’usage des engrais agricoles, de la dispersion de produits chimiques dans l’ozone de l’atmosphère. Percevoir les diverses « anomalies » permet d’en tirer un paradigme, mais prend du temps ! Saisir une extinction en cours de formation, à l’échelon d’une vie humaine, relève de la prouesse. Un exemple : expliquer l’acidification des océans sur le modèle de celle de la mer tyrrhénienne près de Naples. Le Ph maximum de l’océan (7,8) s’il est dépassé (peut-être en 2100) risque de limiter la biodiversité (dont la nourriture), puis de se généraliser à tous les océans…L’acidification, qui affecte tous les métabolismes (enzymes, protéines), fait disparaître la grande barrière de corail (Australie), unique élément de la nature à chevaucher les règnes animaux, végétaux et minéraux. Des îles carrées de terre – des réserves 1202, etc.- sont crées en Amazonie pour observer la « dynamique biologique de fragments de forêts » (10ha) depuis 30 ans : assez pour constater chez les oiseaux une dégradation de la biodiversité. Ailleurs ce sont les chauves-souris qui meurent atteintes du syndrome du museau blanc, suite à un microchampignon.

E. Kolbert s’inscrit dans sa propre quête (le « je » apprécié et facilitateur de lecture, démarche très actuelle), bondissant de son propre présent à notre propre passé. Elle s’introduit dans son reportage le rendant plus humain : elle visite le musée d’histoire naturelle, l’île d’Eldey aux pingouins, juge qu’une grenouille dorée du Panama a l’air « intelligente », que le pingouin originel est « comique » avec ses ailes sous-dimensionnés, que le grapholite ressemble à une fermeture Eclair, que des animaux excentriques ont le « style Lady Gaga », décrit Cuvier comme ayant un tempérament à « éruption »… Un récit dédramatisé en quelque sorte qui affirme pourtant que les hommes sont leur propre cataclysme ! … Jusqu’aux dernières lignes où il est clairement précisé que nous décidons aujourd’hui des « voies évolutives » qui s’ouvriront ou se « fermeront à jamais ». De façon plus lapidaire, cela signifie que ce sont peut-être « les rats géants » qui hériteront de la terre !!!

Jane Hervé

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