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Le sale discours

ou géographie des déchets pour tenter de distinguer au mieux ce qui est propre de ce qui ne l’est pas

David Wahl

Premier Parallèle, 2018

Dans un bref essai aussi réjouissant qu’instructif, David Wahl s’interroge : qu’est-ce que le sale ? À l’heure de la coexistence des discours excessivement hygiénistes et d’une production toujours plus massive de déchets, la question est tout à fait pertinente. On traverse les siècles, de Platon à la bombe nucléaire, et l’on constate à l’aide d’exemples aussi véridiques qu’hallucinants que notre conception de la propreté n’est pas franchement immuable… Qu’elle dit beaucoup des rapports que les sociétés entretiennent avec leur environnement, et qu’elle illustre bien la mise en place d’un régime de vérité fondé sur l’expérimentation scientifique au détriment de l’expérience vécue. Sujet passionnant, que le talent d’écriture de David Wahl rend particulièrement accessible : loin de livrer une étude aride, il nous entraîne dans les masses de rejetés à l’aide d’un humour décapant et d’une attention sans préjugé. Les cochons que l’on trouve si sales, en se nourrissant de nos déchets alimentaires, faisaient d’excellents composts dans les bourgs moyenâgeux, et par là, contribuaient à diminuer les ordures ! « Se pourrait-il, chers amis, que le sale soit plus propre qu’on ne se l’imagine ? Que le propre du sale ne soit pas d’être si sale que ça ? Ah ! Voilà un problème des plus délicats. » Son maniement de la langue est admirable, et permet d’ajouter aux évolutions historiques une autre source de réflexion, la force des mots que l’on emploie : « Salir ce que l’on convoite permet de se l’approprier. Par le sale quelque chose devient propre… à soi. Sa propriété. »

David Wahl déplace les lignes du dégoûtant, du pauvre, de l’inutile, du dangereux, et c’est un régal. Il invite à reconsidérer nos pratiques en prenant un peu de distance : « S’il est souvent très difficile de distinguer le propre du sale, nous sommes en droit de nous poser cette question : que sommes-nous donc en train de nettoyer, pour laisser derrière nous de si terribles saletés ? » On en vient à se demander si à force de traquer les nuisibles, on n’aurait pas manqué la cible : « L’homme serait-il une véritable ordure ? » Finalement, « Je suis bien peiné de le reconnaître, mais Platon s’est affreusement planté. L’homme n’a vraiment rien d’un porc. Le porc est sale et nettoie ; l’homme est propre et salit. »

C.T.

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