Hélène Laurain
Verdier, 2022
“Ils disent qu’il faut que je fasse, mon deuil, mes deuils, ils ont un nom, solastalgie […] et de ces deuils, presque, vient le désir qu’on m’effondre, plus rapide, plus net, le désir de savoir, et d’en finir tout à fait, pour de bon, le désir de me fondre dans les chiffres, qu’on a tous oubliés sitôt lus, pourcentages et fractions, qui additionnés font, beaucoup trop, ou vraiment plus rien du tout, ça s’appelle, brûler de douleur et faire avec.”
Une vraie claque. Le style, le rythme, la musicalité occupent une place prépondérante dans ce roman qui fait le portrait de la génération climat avec beaucoup de justesse. Il fait ressortir la rage, le désir de changer le monde et de s’engager corps et âme dans une cause juste avec une écriture proche du rap où le retour à la ligne fait office de ponctuation.
Laetitia, l’héroïne est née 37 minutes après la catastrophe de Tchernobyl et garde cette marque indélébile dans sa peau. Sa vie est incandescente et intimement liée à l’atôme dont l’État a décidé d’enterrer les déchets en Meuse, là où elle a grandi. Le clin d’œil à Bure est assumé et on retrouve une bonne partie des combats en cours (association de malfaiteurs, l’achat de la population à coup de lampadaires flambants neufs, construction d’un mur illégal, Maison de la résistance, etc.).
Elle se bat dans son quotidien contre ses proches qui ne prennent pas assez conscience de la catastrophe climatique en cours, contre le capitalisme qui continue comme si de rien n’était, contre l’État qui fait tout pour étouffer les oppositions et contre elle-même qui n’en fait jamais assez. Quelques scènes farfelues viendront calmer un peu le style énervé mais rien n’arrête vraiment Laetitia.
William